Tous les articles par Admin

François Pommier : adolescence sous influence – les sentiers (chemins) du deuil

L’adolescent qui court le risque de se perdre dans son propre reflet ou dans celui d’autres qu’il porte, est donc à la fois en quête d’images et sous l’emprise du passé. Certaines sont directes et très évidentes, d’autres parallèles ou latérales, dans la fratrie par exemple, et parfois plus lointaines dans l’ascendance. Nous proposons, autour de la question d’une anthropologie de l’adolescence, d’aborder les transformations silencieuses inhérentes aux processus adolescents et l’installation insidieuse de figures qui obscurcissent en partie le champ des représentations. Nous chercherons à montrer que si ces figures installent parfois le sujet dans une dynamique de deuil interminable, elles participent finalement à la structuration et qu’elles ont donc une influence positive sur le processus adolescent.

Adolescence, 2014, 32, 1, 57-70.

Fanny Dargent : scarifications rituelles

L’adolescence, catégorie récente propre au monde occidental, tend à se désolidariser de la puberté comme événement physiologique universel. Ce n’est pas tant la disparition des rites qui est en jeu mais le relâchement du lien de solidarité entre le phénomène de la puberté et la désignation – mais aussi le traitement – social(e) de l’adolescence. À partir de l’exemple des pratiques de scarifications à l’adolescence, je voudrais proposer l’hypothèse d’une augmentation d’actes-symptômes qui s’alimentent de cet écart et tendent paradoxalement à la fois à le réduire – c’est-à-dire à réinscrire une reconnaissance identitaire intime et sociale des formes d’altérité engagées par la puberté – mais aussi, conjointement à rejeter ces mêmes formes d’altérité.

Adolescence, 2014, 32, 1, 47-56.

François Richard : le complexe d’œdipe existe-t-il toujours ? l’identique et la différence. débat avec Françoise Héritier

Cet article discute l’hypothèse selon laquelle, dans la société contemporaine, le complexe d’Œdipe se complexifie mais existe toujours comme organisateur central de la psyché.

Un débat avec les points de vue de l’anthropologie – et en particulier avec Françoise Héritier et sa théorie de « l’inceste du deuxième type » (entre une mère et une fille qui ont le même amant) – introduit à une reproblématisation des notions d’homosexualité primaire, d’intersubjectivité et de tiercéité. La question de la différenciation peut ainsi être mieux pensée dans son rapport à la subjectivation : y a-t-il risque de dé-différenciation psychotisante dans l’inceste ? Qu’en est-il des troubles psychiques à l’adolescence où les phénomènes de régression vers des situations groupales où prévalent les fonctionnements limites ?

L’identique dont parle Françoise Héritier ne correspond pas terme à terme à l’économie libidinale narcissique. Il faut relancer le dialogue historique entre psychanalyse et anthropologie (A. Green et J. Lacan avec C. Lévi-Strauss, plus récemment les échanges avec M. Godelier et B. Juillerat) à partir d’une réflexion sur le devenir de la fonction paternelle aujourd’hui – dans le prolongement de la discussion critique de la théorie de l’inceste du deuxième type, et d’un exemple de société traditionnelle sans pères et des néo-parentalités contemporaines.

Le triangle œdipien apparaît comme susceptible de prendre des formes variées.

Adolescence, 2014, 32, 1, 23-46.

Philippe Gutton : la situation anthropologique fondamentale de l’adolescence

Après une ouverture générale pour le colloque du 5 octobre 2012 au Collège de France, l’auteur propose le concept de situation anthropologique fondamentale de l’adolescence. Deux formants processuels de sa création : le pubertaire et l’infantile. Les processus d’adultité sont la répétition, remémoration et élaboration de la névrose infantile. Au plan anthropologique, ils représentent l’ordre institué. La situation est examinée sous l’angle de la rencontre critique et peut-être constructive et instituante entre le pubertaire en cours de sublimation et l’adultité.

Adolescence, 2014, 32, 1, 11-21.

Flavigny Christian : récuser la dette pour se l’accaparer

L’adolescence découvre que grandir rend redevable.$Cela demeurait insaisissable pour l’enfant. Mais l’adolescent ne sait pas comment honorer cette dette ; il ne se sent pas les moyens d’être à sa hauteur. D’où la tendance à la récuser, façon à la fois de la pressentir et de la tenir à l’écart ; il en résulte la contestation, qui étire le lien tout en le conservant.

Dominique Agostini : Mélanie Klein analyste d’adolescents : IV. le cas « Fabien Especel »

 

Après l’étude des cas « Félix », « Ilse » et « Willy » qui illustraient les concepts d’objets internes, de fantasmes inconscients et de phase féminine commune aux deux sexes, l’auteur aborde le cas de « Fabien Especel » (dix-huit ans). Cet adolescent est le héros de Si j’étais vous…, un roman fantastique de Julien Green (1947) dont Klein a, dans « De l’identification » (1955), exploré le monde interne presque « comme s’il s’agissait d’un patient ». Les aspects normaux et pathologiques du concept d’identification projective sont, au travers de « l’analyse » de Fabien Especel, développés et approfondis dans « De l’identification ».

Philippe Gutton : le phare

 

La séance et son continuum dans la vie quotidienne est à réfléchir bien sûr comme une relation tierce ; « deux personnes se regardant » s’y trouvent réunies et compromises sous un même regard autre ; un groupe se constitue, confiance (ou illusion) partagée. Le phare d’abord inconnu (étranger) inspire des échanges de plus en plus familiers : parler remplace être regardé. Les interactions qui définissent le site pourraient grâce à cette construction tierce être dès lors interprétées ou « reconstruites ».

Courty Brice : du poil sous les roses

Du poil sous les roses dilate sur la longueur d’un film le moment de l’émergence pubertaire chez un garçon et chez une fille, du vacillement identitaire et désirant initial, en passant par la labilité des défenses psychiques qu’ils peuvent ensuite mettre en place jusqu’à la résolution de l’inquiétante étrangeté. Leur trajectoire les mènera l’un vers l’autre au terme du périple de la sexuation, c’est-à-dire de l’affiliation à un sexe, mais aussi de la reconnaissance du désir de l’Autre, hors de l’environnement familial. Dans cette transition, la langue de l’enfance est infiltrée par celle de l’adulte, la confusion cède la place à un impérieux travail de traduction. Le regard doit s’armer d’écrans (caméra, microscope) pour filtrer le désir dans le monde, l’autre et soi.

David Le Breton : la part du feu : anthropologie des entames corporelles

 

À l’adolescence le corps devient une surface de projection dont il faut contrôler l’apparence en le parant, le dissimulant, le maltraitant, etc. L’existence est une histoire de peau, une question de frontière entre le dehors et le dedans. L’entame corporelle porte la souffrance à la surface de soi, là où elle devient visible et contrôlable ; elle est un acte de passage bien davantage qu’un passage à l’acte.

Richard François : la rencontre avec l’adolescent en cure d’adulte dans la clinique psychanalytique contemporaine

Dans cet article les nouvelles formes de contradiction-conflits résultant des changements relatifs à la perception des limites que rencontrent de nos jours les psychanalystes dans leur pratique, sont envisagées du point de vue des notions de travail du négatif et de subjectivation, à partir de cas cliniques présentant à la fois des fonctionnements névrotiques et cas-limites. L’accent est mis sur l’importance de la rencontre avec l’adolescent dans l’adulte, ainsi que sur la nécessité d’analyser après-coup dans les cures d’adultes, la mise en place lors de l’adolescence de systèmes défensifs spécifiques empêchant l’accès aux détresses infantiles primitives. L’hypothèse d’un trouble précoce de l’identification primaire aux fondements de ces fonctionnements amène à souligner l’importance de la reconnaissance par l’analyste de ses propres résistances à son implication subjective dans la rencontre analytique et, à partir de là, à envisager les modalités de l’interprétation et du dispositif. La présentation d’un cas de “ psychanalyse de face à face ” tend à montrer que les nécessaires aménagements de la technique, ainsi qu’un rapport bien problématisé à la théorie, rendent possible un vrai travail psychanalytique avec les patients souffrant de fonctionnements limites.