Archives par mot-clé : Trauma

Michel Audisio : transgressions – guerres – traumas – rêves

Il est devenu banal de dire que les adolescents rencontrent la violence et la portent, aussi que les institutions qu’ils traversent y sont également prises. Des mises en guerres surgissent sur toutes les scènes et y cumulent. Ce sont tout autant les scènes des réalités sociales et politiques, familiales et culturelles, que les scènes internes psychiques des individus et des groupes, des institutions et des sociétés. Les mises en guerres ressortent croissantes, d’une généralisation des discours et des agirs de transgression, de leur inscription et même de leur institutionnalisation. Le social se corrompt et se disloque, et le politique s’absente ou se compromet, comme maintenant aussi le juridique, dans les alliances de savoirs et de pouvoirs. Quel pourrait être l’enjeu de réponse, institutionnelle et donc culturelle, d’un retour du politique ? Et par quelles voies, quels acteurs ? Comment rêver ?

Marie-Rose Moro, Christian Lachal, Thierry Baudet : traumas extrêmes et adolescence

Les auteurs, tous trois engagés dans des actions de soins dans les terrains de guerre auprès d’adolescents, dans le cadre de Médecins Sans Frontières, décrivent la sémiologie traumatique en tenant compte de deux paramètres qui entraînent une grande variabilité : l’âge et le contexte culturel. Ils montrent la complexité de la sémiologie à travers une histoire clinique. Enfin, ils analysent quelques paramètres importants à mettre en place pour reconnaître et soigner l’impact traumatique sur ces adolescents endoloris, tragiquement désespérés et qui parfois cachent cette souffrance sous le masque du héros, de la violence et de la transgression.

 

Michèle Bertrand : à propos des traumas de guerre

Il convient de considérer le trauma et le traumatisme dans une perspective dynamique, à savoir comme quelque chose qui se poursuit et se transforme dans la durée. Ainsi, le PTSD (Post traumatic Stress disorders) a une portée limitée, parce que statique, et ne relevant que des symptômes d’un certain type. La notion de résilience, récemment promue, entérine ce point de vue dynamique. L’adolescent peut présenter des troubles qui ne relèvent pas de ce qu’il est convenu d’appeler la névrose de guerre, mais apparaissent comme plus graves et préoccupants.

 

Mahommed Ham : de l’errance à l’exil ou le paradigme d’une langue de transfert

À travers une confrontation clinique, l’auteur montre comment l’écoute se trouve malmenée par l’insistance du récit événementiel ; et où justement l’impasse transféro-transférentielle se constitue comme sentiment de remords. Son analyse déploie aussi une heuristique inspirée par leur langue de rencontre et leur langue première, l’arabe. Cette dernière de par sa structuration particulière autorise quelques mots à se constituer en concepts métapsychologiques et en même temps comme reste langagier qui ouvre à une lecture du trauma dont la sortie est inscrite du côté de l’élaboration de la lettre.

Olivier Douville : adolescents-combattants dans les guerres “ modernes ”

À partir d’une expérience clinique avec des adolescents rescapés des guerres civiles en Afrique de l’Ouest, l’auteur introduit une série d’analyses anthropologiques et cliniques. Réfutant toute assimilation des guerres “ modernes ” aux guerres ethniques, il revient sur le statut particulier des adolescents dans les conflits, et propose des lignes de relecture de la dimension de guerre fraternelle et de parricide, pour montrer en quoi la question même de l’identification (en tant que résultat et en tant que structure) est rendue sensible ici. La scène adolescente convoquée par la guerre est aussi détruite dans la guerre. Ceci réinterroge la possibilité pour un jeune d’accomplir un passage adolescent tant que le trauma ne sera pas élaboré.

 

Raquel A. Barreira Rolim, Isabelle Letellier : transgressions sexuelles et amour à l’adolescence : le réel dans le regard de l’autre

Les auteurs étudient la fonction du regard et ses enjeux cliniques dans la confrontation de l’adolescent au Réel du sexuel à partir de deux cas cliniques, dans lesquels le regard vient cristalliser le trauma après l’aveu à l’Autre d’une transgression sexuelle.

Adolescence, 2014, 32, 1, 199-208.

Monique Schneider : entre l’objet et le témoin, l’ami

L’amitié est d’abord envisagée comme située aux origines de la psychanalyse. Le lien s’établissant entre Freud et W. Fliess représente une structure d’étayage, permettant une superposition entre deux dimensions de l’humain – vie et esprit – ou entre deux disciplines s’appliquant à la connaissance d’un niveau du réel : biologie et psychologie. Le partage en deux domaines se rencontre également dans l’“ auto-clivage narcissique ” analysé par S. Ferenczi, ce qui peut faire comprendre le rôle joué par le trauma, soit dans la naissance d’une amitié,  soit dans la rupture.

L’analyse du couple formé par Freud et E. Silberstein mettra en évidence une autre structure : l’ami y devient le confident auquel est confié l’aveu des rapprochements se situant à l’extérieur du champ de l’amitié. Confident à qui ces rapprochements – Freud parle alors de sa rencontre avec Gisela Fluss – sont offerts comme autant de sacrifices.

Bruno Deswaene : Adolescence et catastrophe

L’adolescence constitue une temporalité spécifique qui bouleverse le développement ontogénétique de l’être. En ce sens, elle est une catastrophe morphogénétique qui doit être assimilée par le sujet. En tant qu’étape structurellement fondamentale sur le plan psychique, elle tient compte des expériences et des points de rupture antérieurs. Cependant, la souffrance ne rime pas systématiquement avec rupture ou crise, bien quíon lui attribue généralement un caractère mortifère. La rencontre préalable et précoce avec le sexuel dans le cadre d’un attentat sexuel survenu à la période de latence modifie le déroulement classique de l’équilibre psychique. Sur le plan social, ce vécu expérentiel initial engage une perception spécifique de nature catastrophique et inscrit, le plus souvent, le vécu dans une vision destructrice, c’est-à-dire modifiant l’ensemble des éléments que constitue la stabilité psychique du sujet. Cependant, l’appropriation de cette expérience du sexuel comme expérience de vie ne serait pas à concevoir comme un processus d’involution ou de barrage de l’évolution psychique, mais serait à réfléchir comme une étape à prendre en compte dans le déroulement successif des catastrophes inscrites dans l’ontogenèse humaine, connotant, de ce fait plus particulièrement la phase de l’adolescence qui constitue un temps singulier dans la révélation de l’attentat sexuel. Celle-ci se révélerait alors être un moment de personnalisation par le sujet de ce qui est pour lui une catastrophe intime.

Adolescence, 1999, T. 17 n°2, pp. 59-70.