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Rémy Potier : vérité et illusion des approches croisées entre psychanalyse et neurosciences. entretien avec roland gori

Les approches croisées entre neurosciences et psychanalyse sont de plus en plus défendues sur le plan méthodologique. À l’occasion de ce numéro de la revue Adolescence, Rémy Potier interview Roland Gori à propos de l’heuristique de ces nouvelles recherches. La rigueur conceptuelle semble souvent faire défaut à ces approches qui ne se soucient pas suffisamment de la polysémie des concepts comme des enjeux sociaux-historiques.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 531-544.

Lisa Ouss-Ryngaert : l’agir comme processus ?

L’auteur insiste sur quatre points évoqués par J. Dayan, B. Guillery-Girard. Le premier concerne le renversement des conceptions de l’adolescence vers un modèle téléologique. Le second propose une nouvelle lecture des signes cliniques : une conception de l’agir non comme un symptôme, mais comme un processus structurant. Le troisième concerne la manière dont on peut penser l’articulation entre neurosciences et psychanalyse. Le dernier aborde l’édification d’un nouveau cadre pour la psychopathologie. D’une place du « tout neuroscientifique » dans la psychologie du sens commun à l’ouverture théorique féconde, ces interactions ne laissent pas de nous questionner.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 517-526.

Jacques Dayan, Bérangère Guillery-Girard : conduites adolescentes et développement cérébral : psychanalyse et neurosciences

Constatations empiriques, enquêtes épidémiologiques, clinique psychopathologique et neurosciences confirment la spécificité de certains comportements à l’adolescence : impulsivité, recherche de sensations et comportements à risque.

Ces comportements plus fréquents entre quinze et vingt-cinq ans sont contemporains d’une réorganisation cérébrale majeure qui affecte électivement le cortex préfrontal. La découverte des caractéristiques anatomiques et fonctionnelles du remaniement cérébral permet la mise en perspective des neurosciences et de la psychanalyse. Deux conceptions de l’adolescence s’expriment tout à la fois dans ces deux champs. L’une de ces conceptions dresse le tableau d’un adolescent aisément débordé par le pulsionnel (en psychanalyse) ou par l’émotion (en neurosciences) : dans le premier cas, il est postulé un défaut de mentalisation, dans le second, un défaut de contrôle du cortex préfrontal encore immature sur le cerveau limbique (émotionnel). L’autre conception, que nous soutenons, consiste en ce que le déséquilibre relatif entre émotion et cognition au cours de cette période, permet par le biais de l’expérimentation sociale, y compris « impulsive », une adaptation fine de la structure, de la connectivité et de la fonctionnalité des régions préfrontales. Dans une perspective évolutionniste, les modifications tardives de ces régions cérébrales, les dernières à se développer tant sur le plan de la phylogenèse que de l’ontogenèse, permettent non seulement la transition vers l’âge adulte, mais aussi une adaptation aux changements de valeurs opérés d’une génération à l’autre. La présentation d’approches croisées entre neurosciences et psychanalyse conduit à des remarques d’ordre épistémologique.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 479-515.

Bernard Golse : à propos du concept de neuro-psychanalyse

L’auteur réfléchit à propos des fonctionnements adolescents sur le concept de neuro-psychanalyse. Il en reprend rapidement la trajectoire historique et revient sur trois paradigmes du cinquantième Congrès des Psychanalystes de Langue Française des Pays Romans (1990) : la théorie des catastrophes et du chaos, le concept d’auto-organisation.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 467-477.

Stephen Briggs, Louise Lyon : une psychothérapie psychodynamique développementale limitée dans le temps auprès d’adolescents et de jeunes adultes : origines et applications

Cet article traite des processus qui sont en jeu dans l’articulation et l’évaluation d’un modèle de psychothérapie psychodynamique limitée dans le temps auprès des jeunes (TPP-A). À partir d’une thérapie centrée sur un aspect important de difficulté ou de perturbation développementale, et dans une période déterminée, TPP-A vise à aider le jeune à retrouver sa capacité d’affronter des défis développementaux, et/ou voir cette capacité renforcée. L’article élabore des aspects clés du modèle et présente un cas de figure.

Adolescence, 2011, T. 29 n°2, pp. 415-434.

Tito Baldini, Daniele Biondo : groupes thérapeutiques d’adolescents en état limite

Les auteurs présentent leurs expériences avec les adolescents en état limite, une forme particulière de souffrance des adolescents. Le travail avec les adolescents en état limite en référence aux principaux concepts analytiques des groupes contribue – selon les auteurs – à rendre actif la capacité de faire des représentations et à les lier les unes aux autres en restituant aux sujets la dignité de  personnes pensant et rêvant.

Les auteurs présentent deux situations cliniques qui décrivent des groupes environnementaux – les communautés de type familial et les « Centri di Aggregazione Giovanile » [centres socio-éducatifs spécialisés dans l’accueil des pré-adolescents, des adolescents et des jeunes adultes] – dans lesquels ils ont eu la chance de partager une méthode d’intervention psychanalytiquement orientée aux groupes, qui leur a permis de s’engager et de soigner les adolescents en état limite pour lesquels toute intervention de psychothérapie psychanalytique classique n’aurait pu être appliquée ou aurait eu un résultat défaillant.

La présence d’une situation de groupe étendu permet aux adolescents en état limite de faire l’expérience d’une contention mentale des angoisses. En se mouvant dans une dimension interpsychique, le groupe psychodynamiquement orienté crée l’espace transitionnel où les adolescents difficiles couvrent et intègrent la distance entre eux et le milieu, entre l’espace psychique interne et l’espace psychique élargi du groupe.

Adolescence, 2011, T. 29 n°2, pp. 397-410.

Rita Sferrazza : le travail psychanalytique au-delà des murs

L’évolution des psychopathologies rencontrées dans la clinique a aussi amené les dispositifs de soins à évoluer. Cet article s’intéresse au travail possible et nécessaire avec des adolescents en souffrance, aux difficultés souvent psycho-sociales. Pour répondre aux besoins spécifiques, propres à chaque situation clinique, l’auteur souligne la nécessité de créer des dispositifs originaux et évolutifs au cours de la prise en charge. Une vignette clinique met en lumière ce qui guide la construction d’un cadre thérapeutique psychanalytique. Le suivi des expressions verbales et non verbales des patients ainsi que leurs transferts sur les divers intervenants offrent des repères indispensables aux choix thérapeutiques.

Adolescence, 2011, T. 29 n°2, pp. 385-395.

Stephan Wenger : paranoïa et psychothérapie institutionnelle

Andreas est un adolescent en rupture scolaire. Soudé à sa mère avec laquelle il forme une bulle aux elle peut le faire pour de nombreux patients pour lesquels le tiers en traits paranoïaques, il ne vit que très peu de relations basées sur l’altérité. Son séjour en Centre Thérapeutique de Jour, quasi unique perspective psychothérapique à notre sens, va permettre de recréer une pensée à son sujet et de développer ses capacités de penser sur ses pensées et celles des autres. L’institution offre ainsi une opportunité de trianguler le fonctionnement psychique d’Andreas, comme tant que fonction psychique est absent ou présente une fragilité délétère et qui sont inscrits dans de perpétuels mouvements de « quitter – être envahi » par rapport à l’objet.

Adolescence, 2011 T. 29 n°2, pp. 355-383.

Jacques Laget : coupure, peinture au sang, regard du thérapeute

Au cours d’une séance de psychothérapie, Benoît, quinze ans, demande s’il peut faire une peinture de son sang – peinture qu’il réalise ensuite chez lui et décrit à la séance suivante : les yeux d’Horus, qu’il a trouvé sur Internet. Il présente une dépression sévère et des projets de suicide, il se scarifie, la fragilité narcissique est massive et la problématique identitaire au premier plan. Benoît revendique sa dépression, dit sa fascination pour ses cicatrices et ses scarifications, il assimile son besoin de voir couler son sang à une dépendance à une drogue. Il veut se couper, il en a besoin, il se sent exister. Les liens du sang, devenus sanglants ici, l’unissent étroitement à sa sœur jumelle. Il dit qu’il ne souffre pas quand il se coupe, Il subit dans l’adversité, il s’éprouve et paradoxalement s’endurcit… La douleur le renforce et par là même renforce les limites du Moi et le Moi. Il traite ainsi sa trop grande sensibilité, trait rapporté de son enfance, signe pour lui de faiblesse et de passivité… qu’on oppose à la violence, la puissance et la force qu’il ressent dans ses comportements auto-agressifs.

Regards : le sien sur son sang et sa peinture… La place du regard, des regards, les yeux d’Horus, regard intérieur de Benoît sur son sang qui coule, ses cicatrices, cherchant à s’approprier un corps et un psychisme qui changent et le menacent. Regard de ses parents qui souffrent, il le sait, sidérés, ils paniquent au début, mais leurs regards évoluent. Regard du thérapeute sur sa peinture, sa création « adolescente », et reprise du mythe dans la thérapie. Le thérapeute, la psychothérapie des attaques du corps rétablissent du visuel, en répondant à la sollicitation du regard, dans le cadre d’un échange associant création et représentation, ouverture au sens.

Adolescence, 2011, 29, 2, 339-353.

David Le Breton : Sur les massacres perpétrés par des adolescents dans leur école

Les jeunes tueurs des établissements scolaires sont loin de répondre à un style psychologique commun, les uns sont décrits comme sociables, d’autres comme solitaires. Certains vivent dans des familles unies, d’autres dans des familles divorcées ou séparées. Un ensemble de traits sociologiques les rassemble : l’accomplissement d’un rite de virilité quand plus rien d’autre ne les valorise, l’impossibilité de s’identifier aux autres, une haine farouche qui leur tient lieu d’affiliation au monde.

Adolescence, 2011, T. 29 n°2, pp. 325-337.