Le concept de fantasme originaire n’a pas connu de réel développement théorique dans l’œuvre freudienne. Ces fantasmes originaires présentent pourtant un intérêt considérable dans la mesure où ils instancient une conception du réel originale. La littérature analytique montre qu’ils sont souvent confondus avec les théories sexuelles infantiles. Il s’agit ici d’en saisir la valeur particulière au niveau de ce qui, dans l’adolescence, est marqué par la réactualisation d’une jouissance primordiale, celle de la chair qui est hors loi phallique. Une telle analyse mène à interroger l’hystérisation adolescente dans les deux voies de la sexuation qu’elle fonde et qui se supportent justement d’une dimension fantasmatique originaire orientée vers la contenance pour la fille, vers la contestation de la demande de l’Autre pour le garçon.
Les craintes dysmorphophobiques renvoient aux appréhensions de ce qu’une position sexuée du côté féminin ou masculin peut évoquer d’un engagement impossible à tenir au devant du regard des autres. C’est à partir d’une conviction de contenir en un creux imaginaire du corps une négativité honteuse que l’adolescent, ou l’adolescente, se ressent exclu(e) du jeu social et de tout registre de la séduction, et se fait un refuge de cette condition de proscrit(e) en se mettant en vacance de l’épreuve de sexuation. Aussi, toute une problématique du voilement situera l’adolescent vers ce que nous pouvons nommer sa « revisagéification » nécessaire comme réponse à son questionnement dans le champ de l’échange des regards.
Dans cet article, nous définirons un parcours qui pourrait se dessiner selon un cercle dont les deux bords ne se rejoignent pas, formant une spirale ascendante : le point de départ est le réel du corps, l’évidement initial du pubertaire, ressentis comme Autre sexe (le Féminin), puis l’éprouvé de la honte, la dysmorphophobie et la création de l’objet esthétique de recouvrement de cet éprouvé du vide.
Nous proposons la notion de roman adolescent à entendre ainsi : l’articulation de la structure du roman familial à des scènes pubertaires, comme scènes « neuves » ou compositions-créations, dans une dimension plus élaborative que défensive. Le roman adolescent n’est pas une simple réédition, mais bien la création d’un scénario désirant dont le mouvement exige trois temps logiques : une mise en tension des structures du roman familial ; la mise en exergue de scènes pubertaires composées de « blasons » attachés à des axes désirants ; enfin, un mouvement narratif produisant transférentiellement ce roman adolescent dans les entretiens cliniques. Les cas de Gunther et de Céleste analysent les romans, leurs formes ainsi que leurs fonctions d’élaboration et de construction psychique au service du processus adolescens. Le roman adolescent quand il se révèle sous transfert, est spécifique et se distingue du roman familial freudien par la représentativité des scènes pubertaires.
L’adolescent est extrêmement sensible à son image. Celle-ci est autant redoutée qu’investie avec force et fascination. Dans cet article, nous présentons une observation qui illustre, chez une jeune fille, les perceptions complexes et ambivalentes d’un corps empli de maux divers. Un corps qui semble être la boîte de Pandore de toutes les angoisses nées de l’enfance et de l’adolescence, et un corps-vitrine, façade narcissique par le regard de l’autre, craignant en même temps que ce regard ne voie à l’intérieur de l’adolescente, son intimité, ses pensées, ses angoisses, d’où cet aspect paranoïde fréquent à cet âge.
Le récit clinique est un biais, une voie oblique qui n’a de fonction que celle de servir de repère. Aux travers ou, plus exactement, dans les travers d’une trajectoire d’un jeune homme pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance, dans une mise en échec de toute dimension d’insertion sociale et professionnelle, j’essaierai de montrer comment un processus de subjectivation s’est élaboré afin de permettre à ce jeune de reconstruire son présent à l’aune de son passé, de symboliser et de s’approprier ce qui jusqu’alors n’avait été qu’éprouvé. Ce texte est écrit comme un triptyque. Les trois parties peuvent être lues indépendamment l’une de l’autre, et c’est pourtant dans la liaison entre elles que se développe la spécificité du propos que je souhaite soutenir à travers cet article. Chaque partie renvoie à une lecture, à un temps d’élaboration. Elle s’ouvre par une vignette clinique, comme un préambule à la réflexion qui suit. J’aurais pu lier les vignettes en une seule séquence et développer ensuite mon élaboration point par point. J’ai préféré cette (dés)articulation qui répond davantage, selon moi, à la théâtralisation du cas présenté.
La pulsionnalité pubertaire agit dans la thérapie, d’une façon brutale, crue, non symbolisée. L’acting out est généré par l’émergence de nouveaux ressentis pulsionnels non encore élaborés et intégrés au Moi. La capacité créatrice de l’adolescent, portée par le clinicien, permet de sublimer la violence pubertaire et de trouver une voie de dégagement autre que pulsionnelle et sexuelle. Ici, c’est la « Bestiole Mystique » qui viendra symboliser le passage pubertaire et ses investissements.
Une tendance à la psychiatrisation systématique des états mentaux conduit à considérer les périodes de tristesse et de découragement persistants de l’adolescent, voire les seuls états de morosité, comme des figures de la pathologie. Nous développons avec D. W. Winnicott, E. Gut, P. Fédida et Ph. Gutton, le point de vue dynamique selon lequel le mouvement dépressif, inhérent à la vie mentale, participe à la régulation de la vie psychique. Mis en jeu par la perte ou l’abandon, il favorise la redistribution des investissements, véritable « ré-affectation ». Le sujet adolescent déprimé nécessite d’être accompagné, non d’être d’emblée soigné. Bien que l’issue de la dépressivité adolescente soit le plus souvent favorable, nous en examinons certains destins dommageables, qualifiant la dépression de « non productive », de « dépression de mort » ou de dépression de déliaison. Deux figures pathologiques emblématiques, l’anorexie mentale de la jeune fille et les conduites toxicomaniaques, sont envisagées comme résistance à une dépressivité, pourtant élément clé d’un processus d’intégration. Elles illustrent, à l’instar du démantèlement de la pensée dans les dépressions psychotiques – désespérément exprimé dans des productions artistiques – le rôle essentiel que joue le corps comme constituant et moyen de la vie psychique.
L’état amoureux à l’adolescence prend souvent la forme de la passion et les accents d’une tragédie. Il est aussi craint que recherché, non seulement en tant que retrouvaille et répétition, « réédition de faits anciens » écrit Freud, mais aussi en tant que découverte nouvelle, dynamisme créateur, invention transformatrice. Il représente désormais un second baptême, une nouvelle naissance qui doit parfois dénier la première. Aimer, c’est renaître. Se défaire, afin de mieux se refaire, se recréer. Au risque, bien entendu, de se perdre pour toujours. L’état amoureux à l’adolescence s’impose à l’attention du psychanalyste. L’expérience clinique nous confronte parfois aux effondrements psychiques qui suivent les déceptions amoureuses. Elles sont alors les révélateurs de la qualité des assises narcissiques des adolescents dont l’identité est en souffrance. Reviviscence plus que réminiscence. Dans ces situations où les représentations viennent à nous manquer, la littérature nous est souvent d’un grand secours. Elle peut nous permettre de commencer à mettre en mots une histoire qui n’en a pas. À partir de l’étude de Roméo et Juliette de W. Shakespeare, l’auteur propose plusieurs lignes d’interprétation possibles de l’amour à l’adolescence autour des notions de corps sexuel, de narcissisme, de mort, d’orgasme, de nom.
Lorsque l’auteur (M. Hatzfeld) parle de la « vitalité sauvage » jaillissant dans le sillage de la jeunesse, je pense queles processus d’adolescence sont le vivant de la jeunesse ; sublimation pubertaire bien à tort interprétée par la réponse sociale comme transgression. La liberté créatrice, concevons-la ainsi n’est jamais seule.
Le drame théâtral de Frederico Garcia Lorca « La maison de Bernarda Alba » dévoile la vie de cinq filles maintenues dans un deuil de huit ans imposé par leur mère. Adela, la benjamine s’engagera dans un combat intime et violent contre sa mère, qui scellera le destin de sa féminité. La question centrale porte sur les aléas de la bipartition de la subjectivation féminine entre continuité et changement.
Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 665-671.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7