Tous les articles par Admin

Bernard Golse : 4 ans après l’expertise collective inserm sur le « trouble des conduites »

Quatre ans après l’expertise collective de l’INSERM sur le « Trouble des conduites » qui avait suscité un vif émoi chez les professionnels, et donné naissance au collectif « Pas de 0 de conduite », la situation actuelle est loin d’être rassurante. La direction générale et les structures de recherche de l’INSERM ont été renouvelées dans un sens peu favorable à la Psychiatrie, et l’expertise collective sur les troubles des apprentissages n’a pas démontré que l’INSERM avait réellement intégré la nécessité de repenser la structure même de ces expertises collectives dans le champ de la santé mentale. On assiste, par ailleurs, aujourd’hui à la relance du dépistage à la crèche des soi-disants futurs délinquants, ainsi qu’à une attaque en règle contre l’école maternelle et les RASED. Tout ce mouvement de biologisation de la pensée menace les plus vulnérables et fait courir de grands risques quant à la place des sciences humaines dans notre culture et dans nos universités.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 461-467.

Béatrice Mabilon-Bonfils : l’adolescent face à la relation d’emprise scolaire : entre adaptations secondaires et arrangements ordinaires

L’article étudie l’hypothèse d’un désir d’emprise au cœur de toute relation pédagogique, et la relation d’emprise, quelle que soit la modalité qu’elle revêt, représente une véritable formation défensive, permettant d’occulter le manque dévoilé par la rencontre de l’autre. De ce scénario, se dégagent des règles communes à toutes les relations d’emprise : l’instrumentalisation de l’autre et l’impossibilité pour celui-ci de rompre le cycle d’échange dans lequel il donne plus qu’il ne prend, la rupture étant construite comme de l’ordre de l’injustifiable et supposant un passage en force, un acte de rébellion ou de violence. Comment les adolescents se maintiennent-ils comme sujets désirants dans l’école ? Comment échappent-ils à la relation d’emprise ? Dans sa relation ambivalente à l’autorité qu’ils construisent, quelles stratégies mettent-ils en œuvre ? Le questionnement articule l’interrogation philosophique et le regard sociologique.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 447-459.

Emmanuel Diet : perspectives critiques sur l’adolescence, l’acculturation scolaire et la politique hypermoderne

Dans le contexte du néo-libéralisme et de l’effondrement des métacadres sociaux, le déni de la différence générationnelle met en crise la transmission culturelle à l’école par l’évitement des conflictualités identificatoires œdipiennes et l’attaque des organisateurs psychiques et culturels. Les souffrances, les violences et transgressions adolescentes sont à comprendre comme les symptômes et les conséquences de l’idéalisation politique de la perversion et de la régression à l’infantile dans le social-historique.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 431-445.

Véronique Le Goaziou, Laurent Mucchielli : contribution à l’analyse de la « violence des mineurs ». les affaires traitées par les juges des enfants

Cet article livre les premiers résultats d’une recherche sur dossiers judiciaires réalisée dans une juridiction de la région parisienne, sur les infractions à caractère violent commises par des mineurs. À l’issue de l’exploitation des dossiers traités par les juges des enfants, les auteurs proposent d’abord une typologie de ces violences juvéniles (violences « embrouilles », violences viriles, violences de voisinage, violences intrafamiliales) dont ils rappellent qu’elles se déroulent dans plus de 80% des cas dans le cadre de l’interconnaissance. Ensuite, les auteurs analysent quelques traits marquants du profil et du parcours des mineurs : leurs sexes et âges, leurs situations familiales, leurs lieux de résidence et leurs parcours scolaires. Dans leur conclusion, les auteurs expliquent que cette recherche révèle des violences de basse intensité, qui surviennent dans le cadre de l’interconnaissance, pour les motifs les plus divers et les plus classiques à l’âge adolescent, au terme de conflits qui ne semblent pas nouveaux mais qui sont de plus en plus judiciarisés dans notre société.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 415-429.

Denis Salas, Thierry Baranger : le juge des enfants fait-il encore autorité ?

Les auteurs, après avoir décrit les divers modifications apportées à l’ordonnance du 2 février 1945 qui ont profondément transformé le modèle de la justice des mineurs, analysent la portée de cette remise en cause.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 399-413.

Antoine Hibon : retours sur expériences

Cet article revient sur la recherche-action d’inspiration analytique qui a duré 5 ans, d’une équipe psychiatrique auprès des adolescents incarcérés dans un Quartier des Mineurs. Il donne les éléments des difficultés qualifiables de politiques que la méthodologie déontologique-technique de cette démarche a rencontrées avec la collégialité psychiatrique intervenant en prison, l’Administration pénitentiaire puis la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Il situe à l’intérieur de la crise plus générale des relations Santé-Justice, une certaine tendance au minimalisme psychiatrique auprès des adolescents incarcérés. Il expose au plan de la psychologie sociale des acteurs, les difficultés de l’indépendance du Sanitaire dans les prisons, eu égard aux personnalités difficiles de certains prisonniers, et au versant humaniste de l’Administration pénitentiaire et à la réintégration de la Protection Judiciaire de la Jeunesse dans les prisons pour mineurs depuis le début du XXe siècle. Il critique les axes principaux de la rhétorique qualifiée de « rhétorique ad hoc » qui soutient aux plans idéologiques et techniques la création de 7 établissements pour mineurs qui représentent des budgets considérables. Enfin, il montre les limites, du fait des caractères structuraux de l’autoritarisme sécuritaire pénitentiaire et de l’action des parquets, de la tentative d’organiser l’incarcération des mineurs sur le modèle d’une Institution médico-sociale.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 383-397.

Daniel Marcelli : le centre éducatif fermé. la théorie est toujours plus belle que la pratique

Si, en théorie un lieu fermé peut avoir un intérêt thérapeutique pour des jeunes déstructurés, violents et délinquants, en pratique pour parvenir à cet objectif des moyens non seulement matériels mais surtout humains considérables sont nécessaires. L’auteur du présent article doute que sur le long cours ces moyens puissent être maintenus, laissant alors des « murs » dont la qualité soignante est plus qu’aléatoire…

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 377-381.

Michel Botbol, Luc-Henry Choquet : éduquer et transmettre. changement et continuité de la transmission dans le contexte de la justice des mineurs

Le défaut de transmission des valeurs, et notamment celles qui sont liées à la notion d’autorité, est souvent évoqué comme un facteur déterminant de la délinquance des mineurs. C’est sur cette base que les gouvernements successifs ont pris, depuis 1998, des initiatives qui tendent à donner plus de place à la contrainte et à la sanction dans le traitement judiciaire des mineurs délinquants. Cette position heurte les représentations des professionnels de la justice des mineurs qui voient dans cette évolution une remise en cause radicale des valeurs qui leur ont été transmises. À partir de la lecture qu’ils font de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante, ils considèrent qu’il s’agit là d’une rupture radicale dans les missions de cette justice spécialisée que ces nouvelles orientations feraient passer d’un modèle protectionnel à un modèle répressif obligeant aux dégagements de valeurs contraires à celles sur lesquelles ils avaient fondé leur engagement professionnel.

Cet article reconsidère cette présentation de la question et cherche à mettre en exergue ce qui fait pourtant transmission et continuité au sein de ce mouvement. Pour ce faire, il  procède à une relecture de l’ordonnance et de son exposé des motifs et examine la question en remettant en cause les  modèles psychologiques et psychiatriques sur lesquels s’appuient les tenants de la rupture pour la  démontrer. Cette relecture fait notamment apparaître que c’est l’évolution des représentations de l’ordonnance, et non cette ordonnance elle-même, qui ont conduit à faire l’impasse sur les dimensions répressives et contraignantes qu’elle contient ; elle fait également apparaître que c’est à partir d’une représentation très limitée du thérapeutique (essentiellement celle d’une clinique limitée au modèle de la psychothérapique individuelle) que s’est forgée la conviction classique que la justice des mineurs souffre d’une  influence excessive de la clinique qui s’opposerait à la primauté de « l’impératif éducatif ». C’est donc bien le modèle éducatif de l’aide contrainte qui a toujours été promu par l’ordonnance de 45 contrairement à ce qu’a pu laisser penser la lecture classique qui en a été faite.

En se référant à la dynamique des adolescents difficiles, les auteurs considèrent que le modèle éducatif associant aide et contrainte est celui qui est le plus apte a prendre en compte les besoins éducatif et thérapeutique de ces jeunes. En remettant en cause la rupture que certains mettent en avant, ils défendent l’idée qu’il importe d’asseoir la transmission des valeurs éducatives de la justice des mineurs sur la transmission de ce modèle qui, dans ces conditions, n’exige pas de remettre en cause une tradition clinique valorisée, dès lors qu’elle est elle aussi conduite à adapter son modèle et ses pratiques aux particularités psychopathologiques des adolescents suivis dans ce contexte.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 355-374.

Joëlle Bordet : la jeunesse, une dynamique sociopolitique en grande transformation

Dans cet article, nous visons à résister aux représentations de la jeunesse comme effet ou comme victime, en créant de nouveaux liens entre « jeunesse » et « adolescence ». En  effet, ouvrir de nouvelles perspectives, de nouvelles potentialités suppose à la fois d’écouter l’adolescent dans sa singularité de sujet et d’analyser ce qu’il représente comme enjeu sociopolitique pour la société. Cet objectif suppose de nouveaux échanges, de nouvelles coopérations entre acteurs techniciens mais aussi avec l’ensemble de la société.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 349-354.

Olivier Douville : l’ancestralité et la déroute du politique

S’il convient de préciser en quoi la guerre modifie la vie psychique de jeunes sujets, dont de nombreux adolescents, il faut ensuite insister sur les difficiles réinsertions qu’ils connaissent, tant réputation peut leur être faite d’être devenus des « sorciers ».

Nous examinerons comment cette dernière catégorisation qui est en pleine expansion dans les deux Congo se cristallise et les effets qu’elle a de « débranchements » de ces sujets des logiques coutumières d’alliance et de filiation.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 329-348.