La lecture des tragédies de Sophocle concernant la famille des Labdacides, » Œdipe Roi « , » Œdipe à Colone « , » Antigone « , offre un exemple de la compulsion de répétition à l’œuvre dans la succession de passages à l’acte violents, comme conséquence de la violence psychique traumatique transgénérationnelle. Avec le mouvement de subjectivation propre à l’adolescence, l’héritage du trauma psychique peut engager le sujet, telle Antigone, dans une identification héroïque qui, pour la bonne cause, ne fera néanmoins qu’alimenter la répétition de la violence.
La violence comporte une dimension meurtrière. Elle nie la subjectivité de celui qui la subit, mais elle reflète en miroir une menace sur la subjectivité de celui qui l’agit. Elle peut être vue ainsi comme une réaction primaire de défense d’une identité menacée. L’expérience de la vie institutionnelle en psychiatrie, comme les psychothérapies des sujets ayant des troubles du comportement, sont un terrain d’observation privilégiée.
L’adolescence est une étape de la vie propice aux expressions de la violence du fait de la nature des changements psychiques imposés par la puberté.
La relation de soin doit tenir compte de ces particularités du fonctionnement psychique des patients violents. L’espace de soin peut être vu comme une figuration de l’espace psychique interne du patient et son aménagement comme un moyen de rendre tolérables les relations dont ils ont besoin. Les médiations et la concrétisation d’une fonction tierce occupent une place essentielle dans cet aménagement.
La théorie du conflit esthétique proposée par Donald Meltzer depuis 1984 renouvelle la compréhension de certains aspects du développement psychique dans la petite enfance, mais aussi à l’adolescence. La source métapsychologique de l’épistémophilie devient plus claire. La violence destructrice s’exerçant contre la beauté elle-même ou contre l’objet esthétique séducteur peut mieux se comprendre. L’auteur propose une interprétation dynamique de cette théorie qui le conduit à décrire ce qu’il appelle des « angoisses de précipitation et des angoisses d’emballement ». Il donne une illustration d’angoisse d’emballement tirée de la psychothérapie d’une préadolescente.
En repartant des études sur Schreber, l’auteur dégage cette part particulière du rapport paranoïaque à l’Autre et aux autres, l’autre me veut quelque chose, comme structure des rapports interhumains dans le monde actuel organisé par le libéralisme. Ce rapport paranoïaque au semblable construit une modalité de rapport à l’acte qui propose une réalisation totale de la jouissance qui n’est limitée que par l’impuissance. Du coup, le sujet se trouve inscrit dans un rapport au semblable qui est fait de violence face aux empêchements à jouir qu’impose toute vie en société, et les rapports interhumains virent à la violence contre l’autre persécuteur. Les adolescents témoignent, on ne peut mieux, de ce nouveau mode de lien social.
Cet article livre les premiers résultats d’une recherche sur dossiers judiciaires réalisée dans une juridiction de la région parisienne, sur les infractions à caractère violent commises par des mineurs. À l’issue de l’exploitation des dossiers traités par les juges des enfants, les auteurs proposent d’abord une typologie de ces violences juvéniles (violences « embrouilles », violences viriles, violences de voisinage, violences intrafamiliales) dont ils rappellent qu’elles se déroulent dans plus de 80% des cas dans le cadre de l’interconnaissance. Ensuite, les auteurs analysent quelques traits marquants du profil et du parcours des mineurs : leurs sexes et âges, leurs situations familiales, leurs lieux de résidence et leurs parcours scolaires. Dans leur conclusion, les auteurs expliquent que cette recherche révèle des violences de basse intensité, qui surviennent dans le cadre de l’interconnaissance, pour les motifs les plus divers et les plus classiques à l’âge adolescent, au terme de conflits qui ne semblent pas nouveaux mais qui sont de plus en plus judiciarisés dans notre société.
In Brazil between 2002 and 2010, more than 230 000 young people between the ages of 15 and 25 were murdered. This article attempts to analyze the vicissitudes of subjective construction of Brazilian adolescents living in poverty, social anomie and violence. Starting with the creation of a group clinical set-up, psychoanalytically oriented conversation groups conducted with adolescents at school, the author constructed the following hypothesis : given the violent disqualification of their life and the total absence of any prospect of even minimal inscription in a link indicative of phallic participation in the social field, some youngsters turn violence into their own fiction and a way of forging a social link. Using a fragment of one case, the author also tries to give an idea of the method used in conducting these conversation groups.
Au Brésil, entre 2002 et 2010, plus de 230 000 jeunes, entre 15 et 25 ans, ont été assassinés. Cet article propose une analyse des vicissitudes de la construction subjective des adolescents brésiliens immergés dans un environnement de pauvreté, d’anomie sociale et de violence. À partir de la création d’un dispositif clinique groupal, les groupes de conversation, d’orientation psychanalytique, réalisé auprès des adolescents en milieu scolaire, l’auteur a pu construire l’hypothèse suivante : étant donné la violente disqualification de leur vie et le manque absolu de perspective d’une inscription dans un lien à minima indicateur de participation phallique dans le champ social, certains jeunes font de la violence leur propre fiction et une modalité de lien social. Depuis un fragment de cas, l’auteur propose également d’aborder la méthode utilisée dans la conduite de ces groupes de conversation.
Des consultations familiales avec la famille L. permettent de montrer comment les processus adolescents constituent une sorte de vecteur qui donne forme à différentes pulsionnalités de la famille. Ces processus peuvent donc être considérés comme un objet de transfert familial. À travers l’analyse du métabolisme psychique familial, les disputes fraternelles, le retentissement de conflits inter et transgénérationnels ainsi qu’inter-familiaux, il est apparu que les processus adolescents chez Thomas, fils de treize ans d’un premier mariage de Madame L., exercent une sorte d’attirance sur des violences implicites de la famille. La rupture interne dans le développement chez le jeune adolescent entraîne également une rupture des alliances inconscientes entre les membres de cette famille.
Violence is one of the most feared forms of human violence and also offers privileged ground for studying this violence in itself. For psychoanalysis, perversion is the psychical organization which most clearly illustrates how this desire for vengeance originates in the human psyche. Its aim is nonetheless paradoxical, as I tried to show in one of my recent books with the title : Perversion, vengeance as a means of survival (Bonnet, 2008). For if the perverse person has such an investment in vengeance, it is paradoxically in order to survive and to counterbalance another, deadly violence, fearsome in another way, which threatens him relentlessly from within. The perverse person counterbalances this death violence by investing every facet of vengeance and it is important to identify these in order to defuse the immediate dangers. Then we see that he invests this survival violence in two ways : either by taking them out on others, whom he transforms into survival objects, in the most serious perversions, when the subject is entirely steered by the dialectic of violence ; or else by investing against his will some facet of the violence in such a way that it is limited to its consequences for the other : this runs the gamut from Don Juanism to masochism and fetishism, and includes all the varieties of narcissism and voyeurism that are rampant today.
L’analyse d’une courte séquence d’un entretien non directif avec un jeune adolescent conduit l’auteure à considérer le cadre institutionnel comme une instance de réflexivité, dont la fonction de limitation du désir n’est pas un contrôle sur le sujet mais plutôt un moyen de l’aider à se sortir des déterminations psychiques qui l’aliènent.
Adolescence, T. 31 n°1, pp. 153-160.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7