L’auteur définit ce qu’est une fête dans des contextes anthropologiques différents. Prenant appui sur les travaux de R. Caillois et de L. Levi Makarius, il montre les limites du parallèle entre fête et la transgression, et contraste les fêtes modernes (rave party) et commémoration par rapport à la dimension de la mémoire.
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Elise Pestre : les roses noires : fabriquer une langue pour créer un espace intermédiaire ? Plurilinguisme et identités en construction à l’adolescence
Le documentaire Les roses noires met subtilement en scène les rapports complexes d’adolescentes, issues des « quartiers nord » des grandes métropoles, à leur langue, et à leur sexe. Si cette langue provocatrice agit parfois comme un facteur d’évincement social, elle a également le pouvoir de renforcer le lien entre pairs et de permettre au sujet de composer avec ses identités plurielles. À l’intersection de la différence des sexes, des âges de la vie et des territoires divers – culturels, psychiques et politiques –, l’usage de cette langue métissée ouvre à la création d’un espace intermédiaire, situé entre les langues et entre les lieux.
Adolescence, 2014, 32, 1, 211-223.
Noëlla Darcq, Miguel Gomez-Larenas : le contre-transfert devant un corps exposé
Les transformations corporelles associées aux processus psychiques pubertaires conduisent les adolescents au sein de leur groupe à se saisir des phénomènes de mode vestimentaire et ornementale pour se différencier et tenter de s’individualiser. Au sein de ces modes, certains mouvements plus marginaux comme le style gothique attirent des jeunes gens. Le corps de ces adolescents devient alors la scène d’un théâtre, où la pièce qui se joue entre en résonance avec leur propre histoire, parfois traumatique. Par ailleurs, d’autres jeunes mettent leur corps en spectacle, mais il semble que la narration soit bloquée, comme une dissociation entre ce corps et cet esprit. À la lumière de vignettes cliniques, les auteurs s’attacheront à développer les relations entre l’utilisation du corps et la dynamique pubertaire du processus d’individuation – séparation dans des problématiques de personnalité limite : lorsque la pensée est court-circuitée, l’expression corporelle est valorisée. Toutefois, cette expression ne suscite pas toujours les mêmes réactions chez le clinicien : il pourra – ou non – penser, associer, induisant une relation transférentielle différente. Enfin, l’ensemble de cette réflexion s’appuiera sur des œuvres artistiques ayant abordé ce sujet comme La Métamorphose de Kafka, Peau d’âne de Perrault, ou La Maja Desnuda de Goya.
Caroline Lebrun : Fonctions métaphorique et métonymique du vêtement
Après quelques considérations sur les effets identitaires du vêtement, l’article montre comment le vêtement peut à l’adolescence servir une fonction métaphorique ou métonymique et l’usage que peut en faire le thérapeute, notamment dans la psychose.
Raquel A. Barreira Rolim, Isabelle Letellier : transgressions sexuelles et amour à l’adolescence : le réel dans le regard de l’autre
Les auteurs étudient la fonction du regard et ses enjeux cliniques dans la confrontation de l’adolescent au Réel du sexuel à partir de deux cas cliniques, dans lesquels le regard vient cristalliser le trauma après l’aveu à l’Autre d’une transgression sexuelle.
Adolescence, 2014, 32, 1, 199-208.
Serge Tisseron : nouvelles familles et nouvelles images : les habits neufs du narcissisme
Les transformations qui affectent le rapport des jeunes à leur propre image résultent de leur adaptation à deux situations radicalement nouvelles auxquelles ils sont confrontés dès la prime enfance : l’omniprésence des images – notamment celles que leurs parents font d’eux –, et les nouvelles organisations familiales dans lesquelles le désir que l’enfant surprenne est maintenu de plus en plus longtemps. « Être célèbre » est alors perçu comme le moyen privilégié de résoudre en même temps plusieurs désirs et angoisses contradictoires.
David Le Breton : la scène adolescente : les signes d’identité
La culture des pairs supplante aujourd’hui celle des pères, la transmission s’efface devant l’imitation. Il faut dès lors être à la hauteur du regard des autres, ceux de sa classe d’âge, même s’il faut pour cela se battre avec ses parents. L’une des terreurs des cours de récréation des collèges ou des lycées est de passer pour un « bouffon » en n’ayant pas l’assentiment du groupe, par une reculade devant un défi ou le fait de ne pas arborer la bonne « marque » de vêtements ou de chaussures. L’estime de soi ne vient plus de l’adhésion à des valeurs unanimes structurant le lien social, elle ne s’alimente plus dans le miroir des aînés ou des ancêtres mais dans celui des pairs. La nécessité de représentation se rencontre chez les garçons et les filles mais sous des formes différentes.
André Brousselle : le sexe et le genre : la différence anatomique des sexes entre réalité déniée et réalité augmentée
La question du genre revient à l’avant de la scène politique et serait même affaire de culture, voire de civilisation. Il est stimulant d’opposer deux types d’attitudes extrêmes vis-à-vis de la différence anatomique des sexes : celle de J. Butler, étendant le déni de la différence anatomique, et celles de rituels d’excision et de circoncision, qui visent à accroître cette différence en créant une « réalité augmentée ». Les psychothérapies montrent comment les problématiques de l’adolescent peuvent retrouver ces mêmes dénis pour des raisons internes et non plus purement culturelles.
Adolescence, 2014, 32, 1, 181-197.
Bernard Brusset : la figure de l’anorexique dans l’adolescence
L’anorexique donne figuration et illustration à la culture de l’anti-consommation et de l’individualisme, mais la fascination qu’elle provoque va bien au-delà. Elle est exploitée par les émissions de télévision pour sa force expressive d’énigme, « la cage dorée » (Bruch), le mystère et le pouvoir de ce qui apparaît comme un choix de rupture avec la famille, les autres adolescentes, avec l’adolescence et avec soi-même. Un choix héroïque et parfois mortel perçu comme accusateur.
Les multiples interprétations de l’anorexie mentale par tel ou tel aspect de l’évolution des mœurs et des modèles véhiculés par la culture dominante tendent à nier sa spécificité psychopathologique. Les facteurs culturels, familiaux et traumatiques événementiels sont d’autant plus en cause qu’il s’agit de formes mineures ou d’anorexie hystérique.
La mise en spectacle du choix supposé délibéré de se détourner des satisfactions les plus légitimes et les plus élémentaires pour courir le risque de la mort dans la démesure d’un comportement de restriction pas seulement alimentaire, détourne l’attention de ce que montre la clinique psychanalytique : la force de la demande affective anachronique (qui peut trouver une issue dangereuse dans les boulimies) et de l’ambivalence dans les relations aux parents et surtout à la mère en fonction de l’histoire infantile. Ainsi s’explique dans l’entourage, à la mesure de l’angoisse qu’elle provoque, l’insistance des réactions de déni du sens : il n’y a rien à comprendre, c’est une maladie, une anomalie dans le cerveau. Or, si les anorexiques s’opposent à être ré-alimentées de force, elles demandent à être écoutées et derrière la façade affichée d’un fétichisme du corps mince, c’est le désarroi qui s’exprime et demande à être entendu.
Jean-Yves Chagnon : féminité entre latence et adolescence
Le remaniement des identifications chez la jeune fille dans le passage de la fin de l’enfance à l’adolescence est illustré à partir des données d’une recherche sur les préadolescents et leur devenir, recherche effectuée à partir d’entretiens et de la méthodologie projective. Alors que les jeunes filles prépubères et pubères ont en moyenne le même âge, des différences radicales s’observent en ce qui concerne la mutation d’une féminité d’enveloppe vers une féminité orificielle selon qu’elles sont réglées ou non, illustrant ainsi la validité des hypothèses sur le pubertaire proposées par Ph. Gutton. Parallèlement des mouvements psychiques de séparation vis-a-vis des images parentales se dessinent, tremplin pour la subjectivation.