Cet article prend appui sur une recherche menée auprès de jeunes en régime de semi-liberté bénéficiant d’une prise en charge socio-éducative à Belo Horizonte, au Brésil.
Ces adolescents vivent dans un monde belliqueux où l’ethos guerrier est dominant, associé à l’idée que la virilité ne comporte pas d’affect. Construction imaginaire et réelle du monde moderne qui aliène la virilité à la violence. Le bandit n’a pas d’amis, l’amitié ferait partie du territoire du sacré.
La création d’espaces privilégiés, de dialogue, permettrait de déconstruire la virilité violente et ses rapports de domination pour que l’amitié ne soit pas bannie des rapports entre les êtres humains.
De nombreux jeunes de banlieue traversent des difficultés multiples, d’ordre familial et social interrogeant l’émergence d’une nouvelle forme de malaise adolescent dans notre société contemporaine. Ces jeunes ne sont pas toujours accessibles à un travail thérapeutique. Ce qui pose des questions spécifiques sur la nécessité d’inventer des dispositifs de soins à mi-chemin entre le social et le thérapeutique, soit une manière de rencontrer ces jeunes à partir de l’espace-temps frontière qui les définit : la banlieue, cette zone intermédiaire où se télescopent revendication communautaire et déficit identitaire.
Les discours et attitudes face à la violence adolescente réactionnelle à la transformation violente de son corps qui s’impose à lui, sont eux-mêmes souvent réactionnels dans la contre-violence (l’auteur énumère les cinq pièges habituels) alors que la violence désirante pourrait générer des œuvres de fiction qui traiteraient indirectement de leurs problématiques, mêlant le rapport à la loi du père et les retrouvailles avec le chant de la mère. L’adolescent se définit sémiotiquement comme « sujet négatif » qui décline les verbes vouloir, devoir, savoir et pouvoir au négatif. Comment « la création comme processus de transformation » peut-elle l’aider à se réinstaurer comme « sujet de quête » en recherche de son identité en construction ? L’expérience de la psychothérapie peut-elle irriguer d’autres pratiques, y compris celles qui n’ont pas l’air de s’en réclamer ? L’auteur, psychothérapeute et auteur dramatique, relate une expérience d’atelier d’écriture auprès d’adolescents exclus d’un collège pour leur comportement et leur discours violents.
À la demande du juge pour enfants du Tribunal de Brasilia, l’UFR de psychologie sociale de l’Université fédérale a mis en place un projet avec deux cents jeunes sous mesure de justice et leurs familles. Intitulé « Projet Phénix », le travail vise à renforcer les capacités des familles et des adolescents à se protéger des violences et des emprises de la favela. Les échanges au sein du groupe favorisent la reconnaissance des ressources de chacun. Cet article écrit par Maria Fatima Olivia Sudsbrack, professeur et initiatrice de ce projet, analyse le processus même pendant plus d’une année avec ces jeunes et leurs familles. Elle ouvre, par son témoignage et son analyse des pistes de travail pour les professionnels français de l’éducation.
Les jeunes Brésiliens, vivant dans les quartiers sensibles où sévit le trafic de drogue, font l’expérience de la violence et sont souvent fascinés par elle d’autant plus qu’ils sont en quête de reconnaissance. Or, pour obtenir celle-ci, ils ne peuvent guère compter sur l’appui des institutions sociales qui ont souvent tendance à les stigmatiser alors que le trafic de drogue les acceuille. Pourtant certaines personnes savent éviter ce piège et surmonter leurs conditions difficiles de vie. Ainsi Daniel, qui a élaboré avec l’auteur, son histoire de vie pendant plusieurs années a réussi, grâce au soutien de certains appuis et malgré une vie remplie d’obstacles et de dangers, à construire sa maison, à travailler de manière régulière et légale, à aider sa famille à s’établir et à changer sa vie en instaurant avec d’autres des liens de solidarité et de convivialité.
Les auteurs proposent une réflexion relative à la violence agi en augmentation dans la population adolescente et ils s’interrogent sur la compréhension analytique des mouvements destructeurs, aussi bien hétéroagressifs qu’autoagressifs. Différentes positions théoriques sur la question de la pulsion de mort, de la dé-liaison pulsionnelle ou de la tentative de sauvegarde d’un sentiment d’identité lors de l’irruption de violence sont abordées rapidement, suivies de deux vignettes cliniques. La réflexion à partir de ces vignettes tente une mise en lien des aspects intrapsychiques et familiaux qui sous-tendent le recours aux passages à l’acte violents chez ces sujets, en relation avec la problématique adolescente. L’impasse identificatoire momentanée est évoquée ainsi que l’interdépendance entre la violence dirigée contre soi et celle dirigée contre autrui.
Bien plus qu’une période de la vie, l’adolescence est le contenant de toute une série de processus déjà inscrits chez l’enfant dès la naissance. C’est en fonction d’une réponse adéquate des objets que les processus parviendront à leur plein développement. La violence à être prendra alors la forme d’un projet de vie, expression du Surmoi qui marque l’achèvement de l’adolescence. Tel n’est pas le destin de sujets auteurs d’agressions sexuelles. La violence non intégrée les conduits à laisser dissoudre leur Moi dans le jeu des processus. L’agression de l’autre devient alors une défense contre une intrusion hallucinatoire.
Chaque adolescent est, à chaque génération, violemment pris dans un contexte social et impliqué dans une problématique de transmission et de filiation, de dette et d’héritage. Seuls ou en groupe, les adolescents sont des acteurs/témoins qui introduisent leurs objets, discours et conduites dans leurs lieux de passage. L’adolescence est une catégorie instable, sans véritable place, qui peut s’approprier le lien social ou le mélancoliser. La scène adolescente, vulnérable, interpelle les institutions et demande que soit aménagé un espace potentiel qui permette la transformation des registres du psychique et du social impliqués dans ce passage. Elle est un point nodal où se condensent des enjeux individuels et collectifs, où se précipitent et se cristallisent des violences. La scène adolescente se présente comme une violente dramaturgie à la croisée du psychique et du social.
Télémaque est l’exemple même de la réussite d’une adolescence achevée et de l’entrée dans l’âge adulte. Modèle déconstruit, chacun à sa manière, par Fénelon et Aragon, laissant apparaître une violence pulsionnelle dont le fonctionnement mental s’alimente en même temps qu’il s’efforce, avec un bonheur variable, de la dompter et révélant ainsi la richesse et la profondeur de cette figure mythique.
À propos de la prise en charge d’une adolescente « incasable » dans un centre d’accueil d’urgence, l’auteur développe une lecture des troubles narcissiques primaires qui reposent sur un trouble de la construction de l’image psychique de la mère pour le sujet. C’est alors le corps, le sien et celui de l’autre, qui fait fonction de « contenant » dans la relation, entraînant face aux interdits, une réponse en acte et non pas dans le langage. La prise en charge de ce type d’adolescent implique la reconstruction, sous transfert, d’une image de mère intériorisée et par là même de faire du corps archaïque, un corps pris dans le langage et dans les signifiants.
Adolescence, 1998, T. 16 n°1, pp. 291-303.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7