Les suivis cliniques au sein d’un service de gynécologie-obstétrique auprès de jeunes femmes d’origine africaine, victimes d’excisions et de mariages forcés, permettent à celles-ci de retracer leurs vécus traumatiques les ayant conduites à s’exiler. À travers ce travail d’historicisation et d’élaboration visant à atténuer les effets post-traumatiques, il s’agit de discerner, au-delà des motifs conscients et impératifs stricts de survie, le rôle joué par des mouvements pulsionnels inconscients qui ont participé chez ces adolescentes de l’impulsion au départ de leur milieu familial et culturel.
À travers une confrontation clinique, l’auteur montre comment l’écoute se trouve malmenée par l’insistance du récit événementiel ; et où justement l’impasse transféro-transférentielle se constitue comme sentiment de remords. Son analyse déploie aussi une heuristique inspirée par leur langue de rencontre et leur langue première, l’arabe. Cette dernière de par sa structuration particulière autorise quelques mots à se constituer en concepts métapsychologiques et en même temps comme reste langagier qui ouvre à une lecture du trauma dont la sortie est inscrite du côté de l’élaboration de la lettre.
Le documentaire Les roses noires met subtilement en scène les rapports complexes d’adolescentes, issues des « quartiers nord » des grandes métropoles, à leur langue, et à leur sexe. Si cette langue provocatrice agit parfois comme un facteur d’évincement social, elle a également le pouvoir de renforcer le lien entre pairs et de permettre au sujet de composer avec ses identités plurielles. À l’intersection de la différence des sexes, des âges de la vie et des territoires divers – culturels, psychiques et politiques –, l’usage de cette langue métissée ouvre à la création d’un espace intermédiaire, situé entre les langues et entre les lieux.
Cet article traite de la problématique de la langue « maternelle » de l’enfant fille exilée et de son lien avec la mère pendant le processus pubertaire. Il s’agit d’une relecture théorico-clinique à partir du cas d’une adolescente qui avait énoncé la perte de la langue de sa « maman », dans son rapport avec le travail clinique.
Le passage adolescent est paradoxal. D’une part, le jeune se pose comme un sujet par et pour la rupture d’avec l’univers culturel domestique, d’autre part il va reprendre souvent pour édifier son devenir des éléments culturels refoulés à la génération précédente. Ce paradoxe est vif et très visible en ce qui concerne les contextes de migration, mais il est interne à chaque processus adolescent, « migrant » ou « autochtone ». L’article, prenant appui sur la notion due à C. Lévi-Strauss de « langage mythopoétique », explore les traductions de ce paradoxe dans la façon particulière qu’ont les adolescents de modeler la langue et de prendre la parole.
Nous tenterons ici de cerner certaines particularités des mouvements psychiques présents chez les adolescents étrangers isolés, à partir non seulement de l’expérience de leur accompagnement en psychothérapie mais aussi de leur suivi éducatif. La description de leur accueil (envisagé ici en foyer d’action éducative) permettra de questionner plusieurs manifestations cliniques qui nécessitent une lecture des possibles enjeux inconscients liés à l’impact du traumatisme de l’exil. Nous verrons comment s’organise, dans le sillage de ce dernier, la mise en place de certaines défenses et mouvements transférentiels qui impliquent, entre autres, de profonds remaniements touchant le rapport objectal aux imagos parentales.
À Casablanca, comme ailleurs à travers le monde, des enfants et adolescents vivent dans la rue. Ils sont aux prises avec un passé traumatique, un avenir incertain. La rencontre avec ces enfants et adolescents « exilés dehors » nous a permis de rendre compte de l’environnement défaillant et traumatique qu’ils tentent de fuir en s’exilant dans la rue. Ceci leur confère une place d’étranger inquiétant, craint et rejeté. La rue devient la scène de l’expression de la faillite de l’environnement, le lieu de la survie, de l’expérience de l’intime et du collectif.
Adolescence, 2013, T. 31, n°3, pp. 531-540.
Revue semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et sciences humaines, indexée AERES au listing PsycINFO publiée avec le concours du Centre National du Livre et de l’Université de Paris Diderot Paris 7