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Frédéric Forest : la communauté des frères branchés

Éclairé par la théorie psychanalytique, cet article analyse le phénomène des communautés virtuelles (Seconde Life et Cryopolis) en reconnaissant dans leur fonctionnement la prépondérance de motifs impersonnels et collectifs : complexes ou imagines paternelles, maternelles ou fraternelles organisant les représentations et déterminant les comportements.

Au sein de ces communautés virtuelles, nous montrerons, sur la base d’entretiens auprès de membres et d’administrateurs de ces sites, que la place accordée à l’autorité, à la justice, à la conception de la réalité ou encore à la généalogie indique l’effritement du complexe paternel (ou métaphore paternelle dans la théorie lacanienne) au profit du complexe fraternel. Nous proposons enfin « l’hydre numérique » comme métaphore de ces « communautés de frères branchés ».

Adolescence, 2009, T. 27, n°3, pp. 667-677.

Michel Hajji, Frédéric Tordo : avatars et moi ! la fonction psychologique de la multiplicité des avatars dans les jeux vidéo

Les auteurs tentent de montrer en quoi la création d’une multiplicité d’avatars dans les jeux vidéo, en particulier dans les MMORPG, procède de fonctions psychologiques différentes. Les avatars sont soit des représentants fractionnés du soi où chacun vient recomposer une partie de la personnalité du joueur, soit cette représentance est différée au profit d’une recherche brute de sensations et d’excitations motrices. Ces aspects relationnels distincts d’avec l’avatar seront illustrés à partir de vignettes cliniques d’adolescents.

Adolescence, 2009, T. 27, n°3, pp. 657-665.

Sébastien Genvo : le rôle de l’avatar dans la jouabilité d’une structure de jeu vidéo

La jouabiltié peut être définie comme l’adaptation d’un système à un usage ludique. Sur support informatique la jouabilité prend forme à travers de nombreux aspects, l’un de ses facteurs clés étant la relation qui se noue entre le joueur et sa représentation agissante dans l’univers fictionnel, puisque celle-ci lui donne accès aux modalités d’action au sein du monde de jeu. Il s’agira donc ici de comprendre le rôle de l’avatar dans l’implication ludique de l’utilisateur.  Nous proposons en premier lieu de revenir sur la notion de jouabilité puis sur le cadre mobilisable pour analyser la façon dont celle-ci s’exprime par les avatars de jeux vidéo. Cela permettra alors de relever à travers l’étude de plusieurs cas la façon dont la représentation du joueur revêt un rôle essentiel dans son implication ludique.

Adolescence, 2009, T. 27, n°3, pp. 645-655.

Valérie Morignat : hypervivants

Les mondes virtuels décrivent un imaginaire de la transcendance où les corporéités s’extasient dans l’ubiquité et l’interconnexion généralisées, où les organes artificiels revêtent une fonction heuristique, où l’on est ravis en esprit et téléprésents, transportés de nirvanas électroniques en stimulations simulées, où, enfin, la vie virtuelle résonne dans ses promesses d’immortalité. Nos avatars, principaux opérateurs des transports extatiques dans ces paradis virtuels, imposent une réflexion élargie sur la notion même de corps, laquelle se diffracte dans sa relation à l’imaginaire corporel. Au travers des avatars, nous reformulons à la fois le projet du vivant dans celui d’une hypervie, et celui de la transcendance spirituelle dans la programmation technique d’une hallucination consensuelle qui transcende les frontières du corporel.

Adolescence, 2009, T. 27, n°3, pp. 631-643.

Alessandro Cogerino : la construction de l’avatar sur second life : un jeu de contraintes entre la réalité et la société virtuelle

L’idée de représentation de l’humain par des personnages fictifs constitue l’un des fondements de la culture indo-européenne et trouve une nouvelle expression grâce à Internet et au développement des mondes virtuels. L’avatar, représentation numérique d’un « joueur » réel, défraye la chronique des dernières années principalement grâce au succès de Second Life, le plus célèbre de ces univers.

Le mode de construction de l’avatar exprime le compromis existant entre la liberté d’expression offerte par le virtuel et l’émergence de structures sociales propres aux êtres humains.

Adolescence, 2009, T. 27, n°3, pp. 621-629.

Elizabeth Rossé : la figure de l’avatar dans la construction identitaire contemporaine

Les témoignages des joueurs abusifs de jeux vidéo invitent à s’interroger sur la condition humaine : comment se forger une identité et construire un itinéraire dans les « sociétés de l’instant », caractérisées par l’incertitude et l’indétermination ? Le désir de reconnaissance s’accomplit dans de nouvelles structures intersubjectives qui commandent jusqu’au processus d’autonomisation des individus. Point d’orgue de la culture de l’image et de l’interactivité où le corps occupe une position toute particulière – disparu en chair mais aux commandes de l’avatar, corps de pixels – les jeux vidéo, en offrant la possibilité de vivre des expériences avec les autres, apparaissent comme un lieu propice à la fabrique d’identité.

Adolescence, 2009, T. 27, n°3, pp. 611-620.

Gilles Deles : figures anthropologiques et culturelles dans l’univers du jeu world of warcraft

L’univers du populaire jeu en réseau World of Warcraft, se caractérise  par l’originalité des références culturelles qu’il emploie et recompose, mais aussi par l’utilisation virtuelle de la pensée animique. Ces composantes anthropologiques de mana, d’animal totem, de démons étaient jadis vecteurs de crainte et de distance sociale comme tenait à le démontrer Freud dans Totem et tabou. Elles sont à présent l’objet d’un usage courant pour l’avatar du joueur, dans l’espace virtuel. De même la science et la technique y occupent un statut particulier qui s’apparente aux usages antiques de la métaphysique présocratique. L’analyse de ces dimensions symboliques et des considérations éthiques en jeu donne des clefs pour mieux comprendre ce qui retient l’intérêt du joueur quant à son avatar, et qui sont autant d’outils pour l’adulte et le thérapeute.

Adolescence, 2009, T. 27, n°3, pp. 601-609.

Serge Tisseron : l’ado et ses avatars

L’avatar peut être réduit à une sorte de logo ou enrichi d’un grand nombre de détails personnels. Il fonctionne dans les espaces virtuels pour son possesseur comme une seconde peau, et pour ses interlocuteurs comme un assemblage d’objets partiels. Ni totalement réel, ni totalement imaginaire, l’avatar introduit à un nouvel espace dans lequel l’interlocuteur est à la fois présent et absent d’une façon qui peut engager soit sur le versant de la consolation, soit sur celui de la frustration.

Adolescence, 2009, T. 27, n°3, pp. 591-600.

Eric Toubiana : le jeu du saute-camion

« Le jeu du saute-camion » est une des scènes les plus troublantes d’un film de S. Kubrick, Orange mécanique. Le titre de ce film sorti en salle à la fin des années 60 pouvait déjà intriguer. Orange mécanique n’a rien perdu de ce qu’il était en 1969 : un reflet étrangement moderne d’une dystopie de l’humanité. Mieux, Orange mécanique se révèle être plus d’actualité que jamais. Nous y voyons ce malaise psychique non contenu et ne trouvant que les rues de la cité pour pouvoir, non pas dire mais, montrer et agir les impasses dans lesquelles le sujet est enfermé.

Le spectacle de ce film, et plus encore d’une de ses scènes : « Le jeu du saute-camion », permet de percevoir que la notion de risque, celle du Rizikon grec, permet d’élargir plus encore l’analyse métapsychologique du phénomène de l’addiction. Le Risqueur, ou les « risqueurs » seraient ceux qui illustreraient de manière exemplaire la définition freudienne de la pulsion. La retrouvaille de la tension vaut, nous en posons ici l’hypothèse, bien plus que l’assouvissement de la tension, du moins chez les sujets qui se placent dans une position de dépendance aussi mortifère qu’indispensable au maintien d’une homéostasie vitale…

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 487-495.

Christian Mille, Daniel Sibertin-Blanc, Thomas Henniaux : impact et impasses du « politique » dans les institutions soignantes pour adolescents en souffrance

L’incidence croissante parmi les adolescents des troubles du comportement, des conduites à risque, de l’appétence addictive, de la dépression, des gestes suicidaires signe une entrée en force dans la pathologie des liens et de la dépendance. Les politiques ne sont pas aveugles et sourds à cette problématique et à ses enjeux vitaux pour l’avenir de tous. Ils en ont pris conscience depuis plus d’une vingtaine d’années, en faisant de l’adolescence une priorité de santé publique. De nouvelles idées ont ainsi émergé, libérant des espoirs et des initiatives novatrices, mais confrontant aussi à des difficultés et à des échecs. L’expérience d’une Unité de psychiatrie d’adolescent nous montre de façon exemplaire les limites d’une politique « réglementée » en matière de soins psychiques pour adolescents sur un registre « limite ». Les contraintes administratives liées à des réglementations désuètes ou à de nouvelles recommandations censées promouvoir les bonnes pratiques nuisent paradoxalement à leur mise en œuvre. On ne saurait pourtant sous-estimer, la valeur défensive des tâches et du discours administratif, comme le poids de certains courants de pensée dénigrant les fondements psychodynamiques du « soin relationnel ». Le risque pourrait être lié à l’irrésistible montée en puissance du « modèle technocratique » qui se présente comme une nouvelle utopie, ignorante de son inscription dans le courant de pensée « positiviste », et du subtil usage que peuvent en faire les pouvoirs en place. Cependant, à n’en pas douter les « psychistes », par leurs interventions directes et leur « pratique interstitielle » (Roussillon, 1991) devraient garder une place déterminante dans l’institution soignante qui ne saurait se passer de leur vigilance aux « impensés » de la structure, aux passions éphémères qui la traversent comme aux stratagèmes défensifs auxquels elle ne manque pas d’avoir recours.

Adolescence, 2009, T. 27, n°2, pp. 469-485.