Corps du destin et destin du corps sont des problématiques importantes à l’adolescence qui met en lumière le « destin » de l’héritage absolu, fondamental et unique légué par les parents. En ce sens, il existe selon nous, un après-coup intergénérationnel du traumatique que l’on définit par l’excès du « trop » comme par celui du « pas assez ». De la sorte, le « mauvais » est implanté dans la vie psychique de l’enfant qui à l’adolescence se sent encombré par l’histoire « corporelle » de ses parents. Aussi, au-delà des assauts pulsionnels de l’adolescence, le corps à cet âge du développement révèle comme un « défaut d’origine ». C’est pourquoi le jeune sujet n’arrive pas à se défaire du « problème du corps » qui met en jeu la séduction et la sexualité, du « problème » finalement du corps.
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Xavier Pommereau : figurabilités corporelles à l’adolescence. des conduites d’agir aux actes de soins en institution
Les tentatives de suicide par intoxication médicamenteuse, les fugues et les scarifications sont des conduites d’agir fréquentes à l’adolescence. Au même titre que d’autres conduites de rupture, nous les envisageons comme des figurabilités corporelles qui s’ancrent, tant dans la forme que dans le fond, bien davantage du côté des productions psychiques que des passages à l’acte réputés court-circuiter la pensée. Ces conduites relèvent pour une part d’une intentionnalité consciente, incarnant l’effacement ou l’évacuation hors de soi des tensions internes, leur « reprise en main » synonyme de maîtrise, la transposition de la souffrance psychique en percepts sensibles et visibles et la recherche d’effets sur l’entourage dans l’attente d’une reconnaissance et de remaniements favorables. Elles sont aussi inconscientes et très condensées, réalisant des tentatives de figuration qui donnent forme et consistance aux représentations psychiques que le sujet en souffrance identitaire tente ainsi d’éviter ou d’escamoter.
Dans la mesure où la plupart des adolescents concernés ne peuvent mettre en mots cette souffrance, et pour les préparer à s’engager dans un travail psychique, nous pensons nécessaire d’allier progressivement l’affect à la représentation et l’acte à la parole par l’intermédiaire d’actes thérapeutiques s’offrant comme autant de supports de figuration pouvant favoriser la reliaison. Nous en fournissons des exemples à partir de l’expérience de notre équipe qui, depuis quinze ans, aménage de brefs séjours hospitaliers pour les jeunes suicidaires au sein d’une unité spécialisée.
Dominique J. Arnoux : le sentiment de nullité
Le récit de trois consultations à propos d’un adolescent arrogant se vivant comme nul me permet de penser le processus psychanalytique de la cure et de ses enjeux. La place est donnée au travail de pensée du psychanalyste à partir des états émotionnels du sujet émergeant dans la cure, mais aussi de ses parents en consultations du début. Il y a violence du fait d’un jugement d’attribution venu des objets parentaux au plus jeune âge et que l’adolescent reprend à son compte sans le savoir. La misère d’objet à l’adolescence trouve ici une définition ainsi qu’une réflexion sur le sentiment de nullité si fréquent à cet âge.
Serge Tisseron : les nouveaux enjeux du narcissisme
Les espaces virtuels sont particulièrement propices à des usages auto-thérapeutiques, notamment pour les personnalités en souffrance. En même temps, ces espaces favorisent la construction d’une nouvelle culture dans laquelle les jeunes tentent de construire les repères qui leur font défaut dans la vie quotidienne.
Alberto Eiguer : peut-on parler de perversion à l’adolescence ?
L’auteur envisage l’analyse de cette question en abordant, en premier lieu, deux écueils du clinicien : la difficulté à parler de structure psychique chez l’adolescent étant donné la mobilité de son fonctionnement mental ; l’association de certains aspects de la crise d’adolescence avec une relance de la phase perverse polymorphe infantile. En deuxième lieu, il étudie trois situations cliniques spécifiques : les mouvements défensifs de nature perverse ; les perversions sexuelles et morales qui se manifestent à cet âge ; les liens pervers où un adulte pédophile, incestueux, corrupteur ou pervers-narcissique prend comme objet un adolescent, qui devient sa victime-complice.
Philippe Gutton : adolescence démasquée
Les positions « communément désignées comme perverses » (Freud) sont rarement des aménagements transitoires durables définitifs du pubertaire. L’auteur plaide en faveur d’une origine pubertaire des perversions. Elles relèvent d’un déni de l’altérité précisément telle qu’elle se symbolise dans le « personnage tiers » ou sujet parental de transfert présidant ordinairement à l’adolescence. Il en résulte la répétition d’une génitalité brute (ou de ses dérivés : addiction, certains troubles des conduites alimentaires et violences), non élaborée faisant alliance avec la pulsion d’emprise. L’émancipation du Surmoi soumet l’adolescent au Surmoi collectif et aux idéologies qui le confrontent et le jugent.
Serge Bédère : Georges Izambard, témoin tranquille mais actif du passage à l’écriture de rimbaud
L’avènement d’A. Rimbaud comme auteur se joue très tôt, alors qu’il a à peine dix-sept ans. Il est pris dans une dialectique de reconnaissance dont le protagoniste est G. Izambard, premier lecteur de sa poésie. Il en reconnaît la valeur et fonctionne comme un passeur, sans esquiver la rencontre avec l’adolescent en souffrance. Il sait se montrer présent puis s’effacer et ne tirera jamais aucune gloire d’avoir connu A. Rimbaud. Il est le témoin tranquille à la fois des turbulences d’un adolescent et de la naissance d’un poète. Reprendre la dynamique du nouage et du dénouage de cette relation présente un grand intérêt pour penser la clinique de l’adolescence.
Anna Cognet : un adolescent d’autrefois
François Mauriac évoque, sur la fin de sa vie, une conviction délirante qui l’a brièvement assailli quand il avait une dizaine d’années : son père, décédé quand lui-même n’avait que vingt mois, serait, en réalité, toujours en vie. En nous appuyant sur des éléments de la vie de l’auteur, et tout particulièrement son rapport intime à la foi chrétienne, nous proposons l’hypothèse que la puberté a été pour le jeune garçon le moment d’une grande effraction psychique, susceptible de provoquer des mouvements régressifs, sans entraîner pour autant l’établissement d’une structure psychotique ; ce passage quasi-pathologique serait peut-être même une tentative de pallier l’absence du père par sa création hallucinée.
Caroline Civalleri : au fil de l’écrit
Le récit de la cure institutionnelle d’un adolescent qui s’est essentiellement jouée autour de son rapport à l’écrit vise à discuter la possibilité de la mise en place d’un travail de culture. Les différents mouvements qui ont teinté la relation entre cet adolescent écrivain et sa lectrice sont ici décrits, montrant le passage d’un lien à l’objet à une utilisation de celui-ci permettant de faire de l’écriture un objet culturel partageable.